De prime abord, il n’y a aucun point commun entre les travaux de Léo Thiakos et ceux de Serge Cantero. La proposition de l’espace Contrecontre de les réunir dans un même lieu, je l’ai prise comme un défi.

Dans « jeu d’autorité » Léo Thiakos traque depuis longtemps, et dans une esthétique visuelle graphique mêlée d’un discours direct, les subterfuges utilisés par les gouvernements européens afin d’éradiquer conventionnellement l’idée même de la démocratie. Son travail est fortement lié aux visions d’Aldous Huxley.

Cette citation est parfaite pour situer le regard incrédule de Léo Thiakos : « La dictature parfaite aura l’apparence de la démocratie : une prison sans murs dans laquelle les prisonniers ne rêveront pas de s’évader (…) » A. Huxley Brave new world/1932

En contemplant les peintures silencieuses, hébétées de Serge Cantero, ces personnages aux visages inquiets ou défiants, cette petite humanité autovouée à l’impossibilité de fuir le cadre même, de s’arracher à la peinture, comme destinée à l’éternité picturale, mon sentiment se lie aux problèmes de l’étouffement des prisons communautaires. De ses défiances, des déviances…

J’ai pour habitude d’utiliser le « matériau » offert par les artistes afin de mettre en exergue ce qu’ils cherchent à ne pas dire, en tous les cas, pas directement. Mes mises en espace tentent de focaliser autrement, de pointer de lumière un autre aspect - légèrement dévié de l’œuvre.

Cela par un accrochage qui raconterait une autre histoire.

L’exposition a pour titre : « jeu de pouvoir ».

Simplement parce que, dans ce présent, dans cette Europe qui sèche et s’efface, dans cette montée des fascismes, dans l’endoctrinement, l’endormissement des valeurs que l’on croyait communes encore avant le Covid, il n’est plus possible de regarder de la même manière ni le jeu ni le pouvoir. L’idée d’exprimer hors de la récupération s’est invitée : contourner une nouvelle nuit. Elle s’est déjà levée, inattendue dans sa rapidité, sa noirceur, ses outrages.

Comment continuer à danser là-dedans ? Comment ne pas s’éteindre ?

Ajuster nos regards pour monter une exposition sensible.

C’est l’aventure.

Nicolas Marolf, curateur

Pendant l'expo, Mots interdits en pochoir, intervention graphique de Cerise Rossier.