Geneviève Capitanio
05/31/2018 - 06/29/2018
Geneviève Capitanio ou l'illusion de l'illusion
( Ceci tient du regard malade de Nicholas Marolf)
Quand je suis allé voir à son atelier de Clarens, le travail de Geneviève Capitanio, empreint de la
théorie de l'autopoïèse, j'étais plus ouvert que jamais.
« La surprise est I' Art par excellence ». Le temps est révélé par sa vitesse. La présence de parties de toile dénudée déstabilise, puis, à la découverte de la supercherie, je m'interroge. Tout ceci n'est que pigment savamment mélangé. Des poudres d'illusions.
Pour Panfilo Nuvolone (1581-1651), la nature morte est caractérisée par sa simplicité austère: l'un des coings est coupé en deux. Une fleur de jasmin tombée à ses côtés: là aussi les signes de putréfaction.
Il n'y a pas de fruit entamé à l'avant plan, dans la «cène d' Emmaüs» du Caravage, où? les fruits coupés sur lesquels on devine déjà la dégradation. Chez Geneviève il n'y a qu'un plan. C'est-à-dire, aucune désillusion du 16e siècle. Chez le Pensionante del Saraceni, peintre Caravagesque anonyme, sa « nature morte aux fruits » - parcourue par une douce lumière veloutée - la présence de pommes blettes et de deux insectes sur la nappe, illustre enfin la vanité des choses terrestres.
A part cela, la nature morte ne se montre que rarement morte ou en cours de l'être.
Comment dès lors savoir si, à l'arrière du rideau, il n'y a plus de théâtre (ou un autre refiguré).
Distance Brechtienne? Pour le tableau aussi: je joue à vous montrer. Le peintre est plus présent que
jamais.
Sur chacune des marches du tapis rouge qui mène à la chambre je me défigure et les miroirs sont faits pour cela. Ce que j'y vois n'existe que par l'idée de vous y retrouver (j'aime cette scène du bal des vampires de Polanski).
La bonne nouvelle c'est que nous ne sommes jamais encore emplis de nous, qu'à chacun de nos croisements nous nous remplissons de tout ce qui nous entoure.
Duchamp avait déjà vu cela en faisant descendre l'escalier à une femme: ni la lumière, ni le désir, ni
l'envie à chacune des marches n'étaient les mêmes.
Dans ce nu fragmenté, la peur est présente.
Cela peut être dangereux. Mais / cela / est.
Tous nos êtres sont parmi les charges ou les décharges d'énergie.
Le vivant à la lumière de l'autopoïèse, s'exprime à la fois comme un but et comme un processus d'auto reproduction ou encore de conservation, voire de préservation.
Traverser un passage clouté et sentir l'odeur de vingt sexes qui me croise fera de moi une autre personne de l'autre côté de la route.
L'Or du temps, pourriture éternelle. Pourriture et renaissance. Pourriture arrêtée. Fruits mürs. Fruits pétrifiés, marbres d'illusions. Des forêts entières se cachent derrière les strates de peinture. Il faudra Soutine pour qu'enfin un tableau pue, puisse se libérer de l'immortalité et se dégrader aussitôt dans l'illusion. Je ne croque plus le marbre. Je ne mange plus le fruit. Je résiste et reste invisible.
Rembrandt /avant son dernier autoportrait n'avait pas vraiment osé.
Ici, je me désintègre déjà le temps de mon regard sur le tableau.
L'invention du présent s'inventerait à plusieurs et par croisements simultanés?
J'ai vu, il y a bien longtemps, du temps de nos beaux-arts, Geneviève Capitanio symboliser les symboles, en masturbant le fameux dictionnaire à la mode: Jung aussi Ue crois), a fait du mal aux artistes en les désinnocentant.
Nous vieillissons à la manière de ces fruits de marbre et de lumière qui pourrissent.
On peut laisser là cette fiction de nous guider seul.
Le plus grand crime del 'humanité moderne est de nous vendre demain.
Cela est une interprétation poétique de la vie, silencieuse et immobile des choses.
[ Nous sommes le puit, la récolte des pluies de l'Univers]
punkt
Aujourd'hui Geneviève transcende le langage visuel, son orthographe propre, personne ne peut, par la simple illusion de connaissance, décrypter d'un seul regard: son imaginaire est profond.
Elle est neuve, c'est-à-dire qu'elle nous invite tous à imaginer la leçon de notre histoire: ses peintures ont la force de l'autonomie, d'où qu'elles nous regardent, elles nous légendent dans une inversion nue, dangereusement .
Vanité? Non: immense reconnaissance amoureuse de la vie, un hommage, une louange, qui nous aide à approfondir notre expérience, un processus qui se déroule au plus profond de la vie tels que la lumière, l'air, l'humilité, la gravité.
Si l'individu agit directement dans le monde de son expérience, il n'a pas besoin de représenter le monde, puisqu'il agit dans un monde qu'il construit par son activité.
Ici est la beauté, étrange et naïve: le monde environnant n'est plus simplement existant, mais phénomène d'existence.
Moi/ le monde; une cognition incarnée exempte de représentation: faire émerger à la fois le monde et le sujet.
Les peintures de Geneviève Capitanio se font traverser par le temps.
Voudriez-vous parler d'Arcimboldo ?
Je vous couds les lèvres définitivement.
Il ya
Derrière l'illusion
Une forêt de coulures
Une forêt de larmes peintes;
fll1ais la vie
Demande
À demeurer
Droite.
La peinture de Geneviève
Arrête un temps qui pourtant se prolonge.
Nous mourrons?
Est-ce grave?