In horto

Lorsque Catherine Frossard a initié ce projet, elle n’en mesurait ni l’ampleur ni la portée. In horto — « dans le jardin» — est devenu pour elle un espace de mémoire et de présence, un lieu où se croisent l’intime et l’universel. Le potager agaunois, où elle s’est immergée jour après jour, l’a ramenée aux racines de son enfance et l’a reliée aux générations anonymes qui, avant elle, ont travaillé cette même terre.

Le projet s’est déployé tout au long de l’année 2024, dans une pratique régulière et située, entièrement réalisée in situ. Trois gestes artistiques l’ont structuré :

1. Les aquarelles de 50 x 65 cm — réalisées deux fois par mois, à partir de trois couleurs et depuis un point de vue constant. Elles témoignent d’une perception sensible et mouvante du paysage, dans son état du jour.

2. Le rouleau dessiné à la plume — deux fois par mois également, reprenant la même vue. Il trace une ligne du temps, inscrivant le regard dans la durée et le passage des saisons.

3. Les fleurs individuelles — plus de 900 aquarelles de petit format (16 x 24 cm), pour environ 210 fleurs différentes. En décidant de toutes les représenter, Catherine a ouvert son champ d’attention à des formes qu’elle n’aurait pas spontanément choisies, découvrant dans ce geste une discipline exigeante, technique et botanique à la fois.

De cette immersion est née une aventure à la fois artistique, humaine et scientifique : une traversée du quotidien où se sont entremêlés émerveillement, rigueur, fatigue, surprises et apprentissages. La répétition du geste, la confrontation avec les contraintes matérielles, la quête des noms et des identités botaniques, tout cela a transformé l’artiste autant que son regard.

Peindre et dessiner en extérieur, dans une concentration quasi méditative, a rapproché Catherine de l’expérience même de la résilience du vivant : certaines plantes, apparemment épuisées, donnaient encore naissance à des fleurs. Cette force silencieuse résonne avec celle nécessaire à l’humain pour avancer.

Les aquarelles des fleurs ont suscité chez d’autres des émotions vives, réveillant des souvenirs enfouis. Ainsi, In horto n’est pas seulement un projet sur un jardin, mais un espace de résonance où chacun peut retrouver son propre territoire intérieur, réel ou imaginaire.

L’exposition propose au visiteur un cheminement à travers ce jardin observé, répété, dessiné. Une invitation à se perdre, à circuler entre mémoire et instant, à entrer en relation intime avec une nature humble et persistante.